Intervention de Laurent Wauquiez suite à la déclaration de politique générale de François Bayrou, Premier ministre
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Madame la Présidente,
Monsieur le Premier ministre,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Chers Collègues,
Nous avons écouté la troisième déclaration de politique générale en moins d’un an. L’année passée, notre pays a eu quatre Premiers ministres différents, ce qui n’était pas arrivé depuis plus d’un siècle.
Et pour quels résultats ? Que de temps perdu, que d’incertitudes pour les Français, les entreprises, les agriculteurs, les artisans, les commerçants.
Cette situation n’est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat d'une improbable coalition d'irresponsables, depuis la France insoumise jusqu’au Rassemblement national, qui ont choisi de sacrifier la stabilité gouvernementale.
Cette responsabilité est d’autant plus lourde que notre pays est au bord de la ruine. L’État s’endette à des taux supérieurs à ceux du Portugal. Et nous sommes perçus comme moins sérieux que la Grèce. Chaque point de taux d’intérêt en plus, c’est moins d’argent pour nos services publics ; plus de charges pour payer nos créanciers. Notre pays est au bord d'un gouffre financier où la France risque de perdre tout à la fois sa crédibilité et sa souveraineté.
Et je tiens à rendre hommage à Michel BARNIER qui a eu le courage de tenir ce discours de vérité.
Est-ce qu’on mesure bien le décrochage de notre pays : industriel, éducatif, sécuritaire, démographique ? Jamais autant de PME n’ont fait faillite depuis 30 ans. Et pourtant toute une partie de la classe politique détourne le regard ; et plutôt que de travailler à la reconstruction, continue de jouer l’instabilité.
Cette période n'est pas sans rappeler une autre période de notre histoire : celle du Ve siècle, la chute de l’Empire romain. Rome tombait dans la décadence : incapable de contrôler ses frontières, en proie à des menaces extérieures, toujours plus dépendantes des importations. Et pendant ce temps-là, sur la colline du Palatin, les factions s’affrontaient et renversaient les empereurs, jusqu’au dernier d’entre eux, Augustule, déposé après seulement 10 mois de règne. Triste ironie pour un Empire qui avait porté Auguste.
Les périodes d’instabilité politique sont toujours les prémisses de grands fléaux.
Alors oui, face à cette situation inédite, nous avons tous un choix à faire :
Le pari de l’instabilité ou l’esprit de responsabilité.
Le poison de l’incertitude ou le remède de la stabilité.
Les petits intérêts des partis ou l’intérêt du pays.
Les Français aspirent à la stabilité. Ils nous demandent de donner de la stabilité au pays.
C’est pourquoi, avec les parlementaires de la droite républicaine, nous avons fait le choix de la responsabilité. Elle prendra la forme d’un soutien exigeant à votre gouvernement.
Soutien, cela signifie que nous ne voterons pas de censure.
Mais exigeant, cela signifie que nous jugerons texte par texte si les orientations prises sont conformes à l'intérêt du pays.
Monsieur le Premier ministre, nous prenons nos responsabilités
vous devez aussi prendre les vôtres.
Et votre première responsabilité est d’éviter à notre pays de s’enfoncer dans la crise financière. Vous vous étiez emparé avant d’autres du sujet de la dette ; c’est désormais l’heure des actes.
Nous avons déjà les impôts et charges les plus élevés du monde. La France n’a pas un problème de « moindres recettes », elle a un problème de dépenses excessives. Si on veut baisser les impôts, il faut baisser la dépense. Nous payons aujourd’hui, le « quoi qu’il en coûte aux autres ».
Pour la Droite républicaine, notre position est constante : des baisses de dépenses ; pas de nouvelles hausses d’impôts.
Au cours du débat budgétaire, nous ne ferons aucune proposition de dépense nouvelle, uniquement des propositions d’économies.
Nous ne ferons aucune proposition de fiscalité nouvelle, uniquement des propositions d’économies.
Nous ne ferons aucune proposition de nouveau chèque gouvernemental, uniquement des propositions d’économies.
Au cours des derniers jours, nous avons alerté sur le risque d’une fuite en avant de l’irresponsabilité budgétaire. Le débat politique compte suffisamment d’illusionnistes qui promettent de travailler moins et dépenser plus, quitte à fracasser notre pays sur le mur du réel. Le danger des paroles qui plaisent plutôt que des paroles qui sauvent.
S’agissant des retraites, faire une réforme qui aboutirait à plus de dépenses sans aucune piste de financement, serait irresponsable. Ceux qui prétendent que c’est possible mentent, car cela conduirait soit à paupériser les retraités, soit à augmenter les charges sur le travail, soit très probablement aux deux à la fois.
La réforme des retraites, nous l’avons toujours dit, peut être améliorée. Mais cela ne doit en aucun cas se traduire par des dépenses supplémentaires qui seraient payées soit par les retraités soit par ceux qui travaillent.
Si on veut baisser la dépense, il y a des marges d’économies partout. Non pas sur les services publics, mais sur la bureaucratie administrative. Nous avons porté le combat, avec les Républicains, contre ce millier de comités, opérateurs et agences : leur budget a doublé en dix ans. L’ANCT, l’ADEME France Stratégie… Autant d’organismes à l’utilité douteuse et au coût bien réel. Il faut baisser leur budget, les fusionner et en supprimer une large partie.
Ces économies sont nécessaires pour investir dans notre santé, cher Yannick. Relancer l’investissement dans nos transports, cher Philippe. Protéger notre patrimoine et faire rayonner la culture française, chère Rachida. Soutenir nos agriculteurs, chère Annie, ou accompagner nos entreprises, chère Sophie et chère Véronique.
Par ailleurs, vous connaissez notre volonté de créer une aide sociale unique, fusionnant la trentaine d'aides existantes et plafonnée à 70% du SMIC, ce qui ferait gagner en clarté et surtout en justice.
Enfin, notre système social ne peut pas demeurer ouvert au monde entier. On parle souvent de l’AME mais on oublie le titre de séjour permettant de venir en France bénéficier de soins gratuitement. Nous demandons enfin que l’accès à la solidarité nationale soit conditionné à un minimum de trois ans de résidence régulière.
Je suis convaincu que ces propositions sont soutenues par une très grande majorité de Français. S’il n’y a pas de majorité ici pour les voter, alors il faut aller au référendum. Et nous vous demandons, Monsieur le Premier ministre, d’en faire la proposition au Président de la République. C'est l'esprit de la Ve République. Et le président de la République a lui-même ouvert la voie à des référendums lors de ces vœux.
Autre axe essentiel : la suppression des normes. ZAN, DPE, ZFE, autant de sigles qui pavent l’enfer bureaucratique français. Cela ne coûterait rien à l’État mais cela apporterait de l’oxygène à notre pays. Laissons vivre les Français ; laissons vivre les artisans, les agriculteurs, les entreprises.
Au-delà de cette urgence économique et budgétaire, il y a deux chantiers de fond que votre gouvernement doit conduire.
D’abord rétablir l’ordre. Nous voyons encore avec les derniers chiffres l’explosion de la délinquance partout en France, à laquelle Bruno RETAILLEAU fait face avec beaucoup de courage. Il a tout notre soutien. Pour mettre fin au laxisme, il faut un principe simple : à chaque infraction, une sanction. Et pour ne plus se payer de mots : il n’y a pas en France de surpopulation carcérale ; il y a une sous-capacité carcérale.
Alors, comme nous l’avons fait pour les équipements des JO, adoptons une loi d’exception pour la construction de nouvelles prisons.
S’agissant du département de Mayotte, si durement dévasté, cher François-Noël, il ne pourra être reconstruit sans arrêter la submersion migratoire. Nous proposerons dans notre niche parlementaire, dès le mois prochain, d'y supprimer le droit du sol pour les immigrés illégaux.
Enfin, il faut revaloriser le travail. La plus grande injustice dans notre pays, ce sont les travailleurs pauvres. Travailler et ne pas pouvoir vivre décemment. La réalité c’est que règne en France le “travailler plus pour payer plus”. Travailler signifie trop souvent payer plus d’impôts et perdre des aides. Nous proposerons que les heures supplémentaires soient exclues du revenu fiscal de référence.
Celui qui travaille doit pouvoir vivre du fruit de ses efforts.
Celui qui a travaillé toute sa vie doit être reconnu.
Et je le dis clairement : celui qui abuse de la solidarité nationale doit être sanctionné.
Les 15 heures d’activité en contrepartie du RSA, que la France Insoumise et le RN rejetaient de concert, donnent des résultats et montrent ce que doit être la refondation nécessaire de notre système social. Pas d’aides, sans devoirs.
Face à ces enjeux, qui peut croire que l’instauration de la proportionnelle est une priorité ?
En 1958, le général de Gaulle a mis fin à l’instabilité de la IVe République.
Notre responsabilité est de protéger le pays de l’impuissance et du blocage, pas de les institutionnaliser. La proportionnelle, c’est la garantie que le désordre politique exceptionnel que nous connaissons aujourd’hui deviendra la règle. Elle ancrerait dans nos institutions l’instabilité politique et la primauté des intérêts partisans sur l'intérêt général. Nous nous y opposerons.
Vous l’avez compris : un soutien mais un soutien exigeant, texte par texte. Ce sera la feuille de route de la Droite républicaine. Dans les semaines et les mois qui viennent, nous nous battrons pour qu’elle soit traduite en actes. Je vous remercie.